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Bourguiba nous a fait gagner du temps

Editorial La Presse

En ce mois de surabondance de productions télé, il serait intéressant d’examiner certains contenus diffusés spécialement par les chaînes égyptiennes attestant une nouvelle dynamique religieuse, sociale et culturelle qui interpelle.

A une heure de grande écoute, juste avant la rupture du jeûne, est diffusée quotidiennement l’émission «Egypte terre des réformateurs». Chaque épisode est consacré à un personnage illustre qui a marqué son temps par de nouveaux concepts, une réforme. Dans cette procession, est cité l’un des «Cheikhs» les plus progressistes qui soient, Mustapha Abderrazek. Celui-là même qui a fait ses études à la Sorbonne et renté chez lui proposer des lectures plus modernistes des préceptes religieux.

Parmi les longs spots publicitaires, figure en bonne place une annonce institutionnelle célébrant le programme national lancé sous le haut patronage du Président Al-Sissi, intitulé «Le développement de la famille égyptienne». Au fil des images, on voit des enfants heureux et bien portants devenir tristes et affaiblis, contraints de quitter l’école pour être apprentis ou vendeurs à la sauvette. A peine sorties de l’enfance, les filles sont, en plus, dédiées aux mariages précoces. Une voix off formule au fur et à mesure ce message sans équivoque : «Faites des enfants, personne ne vous en empêche, mais sachez qu’élever deux enfants ce n’est pas comme en avoir sept ou neuf à charge. Vous serez dans l’incapacité d’assurer leurs besoins vitaux… Parce que nous souhaitons le meilleur pour nos enfants…». Un remake, plus prudent toutefois, du planning familial tunisien dont l’expérience pilote avait débuté officiellement en 1964…

Fiction à succès qui fait de l’audience pas seulement en Egypte : elle met en scène une femme nouvellement divorcée, en conflit perpétuel avec son ex, pour obtenir la pension, garder la maison et élever ses enfants dignement. Dans son combat, Faten Amal Harbi se heurte aux lois, dont l’une préconise la perte de la garde des enfants si elle se mariait. Révoltée, elle s’en va consulter les ulémas pour avis religieux «Fatwa». Sa question étant précise: existe-t-il un verset coranique stipulant la perte de la tutelle de ses enfants si la mère se remariait ? Il n’y en a point. Les exégètes sont à l’origine de cette règle. Des lois faites par les hommes, clame-t-elle au tribunal, en faveur des hommes. L’héroïne décide de contester le code de la famille, version égyptienne du code du statut personnel tunisien, et saisir… la Cour constitutionnelle. Inutile de chercher, point d’équivalent tunisien cette fois-ci.

Moralité, dans ce grand pays de 102 millions d’habitants où l’établissement d’El Azhar trône en maître incontestable, s’immiscant dans les infinis détails de la vie des gens, ces programmes, manifestement encouragés par le pouvoir politique, aspirent sans nul doute à moderniser une société réputée pour être majoritairement conservatrice et ébranler, avec force précautions, l’autorité des castes religieuses.

Revenons aux terres tunisiennes, en cette période commémorative de Bourguiba, il serait utile de préciser que son héritage est un bien national et collectif que chacune, chacun peut, s’il le veut, s’en revendiquer.Honorons donc la mémoire du réformateur visionnaire, ne serait-ce que pour nous avoir fait gagner du temps.                                                                                                                      

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